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Institut Psychanalytique S.Spielrein

Institut Psychanalytique S.Spielrein
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26 février 2012

Présentation de l’Institut Psychanalytique S. Spielrein

Psychanalyse ? Dans la constellation des intervenants abordant l’étude de la psyché, le psychanalyste se distingue sur une méthodologie assise sur deux paris fondamentaux. Le premier repose sur le constat que le patient est le sujet le plus à même de...
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15 juin 2012

Introduction aux travaux de la Société du Jeudi.

Introduction aux travaux de la Société du Jeudi.

 

La pensée occidentale du XXI° siècle est en rupture majeure avec ses courants fondateurs issus des plis et déplis alternatifs du classicisme et de l’académisme tant dans la relation gérant le rapport à l’Autre que dans la structure même dela pensée. Bien au-delà d’une dynamique oedipienne de Révolution, nous sommes réellement dans la refondation de la conscience d’être humain.

Ainsi il devient de plus en plus difficile pour un psychanalyste d’adapter les schémas, les principes et les reflexes culturels de l’Age d’Or de sa discipline à la société actuelle.

Certainement, en son temps, était-ce également la pensée de Freud après le choc universel dela Grande Guerre… La disparition de la Wiener Secession, la banalisation de la TSF, la mécanique quantique et le dépôt du brevet dela fermeture Eclairne sont que quelques moments d’une époque aussi radicale qu’aujourd’hui, menant déjà au style international porté par l’Art Déco, autant que peut l’être maintenant le Pantone ou le consensus graphique RGB (Red Green Blue).

Cependant il faudra encore attendre jusqu’à la dépression généralisée de la fin des années 1990 pour réellement commencer à verbaliser ce qui définit l’homme occidental à savoir un individualisme en réseau, interagissant sur un contenu numérique en constante redéfinition.

Disparition des contraintes de temps et d’espace, d’absence ou de présence du sujet. Le Surmoi tend à devenir non plus un principe culturel, mais une règle contextuelle et temporaire régissant les échanges d’un groupe de travail ou de discussion, personnalisant autant d’avatars du Moi que de centres ou de types d’intérêts, souvent étanches et étrangers l’un à l’autre.

Même si déjà des tentatives d’éthiques globales tentent de canaliser vers la définition simpliste de la liberté à savoir « ma liberté s’arrête à celle des autres ».

 

Bien que nous soyons encore dans une phase d’adaptation gloutonne, nous commençons à percevoir les bénéfices d’un Moi démultiplié non astreint au temps ou à la contrainte géographique, dans un monde de plus en plus cartographique. Il serait plus sage de parler de « Mes libertés », si antagonistes et contradictoires soient-elles.

 

Nous avons donc maintenant la possibilité d’être à la fois ici et ailleurs, d’être présent et à la fois absent. Nous avons la possibilité de reformater en permanence notre histoire numérisée sur la majorité des réseaux sociaux, nous permettant d’être non seulement ici, mais d’être en même temps avant. Il m’est possible de remodifier mes anciens billets de ce blog pour réorienter votre réflexion et modifier notre échange.

Il ne semble y avoir plus qu’un seul frein à cette liberté exponentielle … la conscience de notre propre mort à venir.

Pas celle de nos réguliers hara-kiris digitaux mais bien notre retrait volontaire ou involontaire du monde biologique.

Peut-être est-ce même la dernière problématique anxiogène qui nous relie à l’univers freudien.

 

Mais qu’est-ce donc que MA mort pour un Moi définitivement multiple, qu’est ce que LA mort aujourd’hui ?

                       

 

mort 

 


Fabrice Kaplan-Laudrin, IPSS, billet du 27 mai 2012

kaplan-laudrin@ipss.info


 

 

27 mai 2012

Quantique là, Quantique ci

Quantique là, Quantique ci …

Du 17 au 19 novembre 2012 se tient à Reims le congrès des Thérapies Quantiques, de trois mille à cinq mille personnes seraient attendus entre les stands et les conférences.

Vitrine de l’application de la mécanique quantique à la recherche d’une fluidité alimentaire assimilable naturellement par notre organisme, les chercheurs et auteurs de références donnant la caution scientifique à cette manifestation semblent s’orienter vers l’idée d’une thérapie quantique :

La Thérapie Quantique a pour objectif de rétablir l’harmonie dans le champ électromagnétique altéré par un dysfonctionnement organique. Dans ce but, elle propose des méthodes de soins spécifiques et elle fait également intervenir des appareils dont le fonctionnement est basé sur l’émission de rayonnements électromagnétiques. Leur emploi vise à rééquilibrer l’énergie corporelle par bio-résonance. Une faculté innée des êtres vivants à se synchroniser avec l’énergie ambiante, à capter et à émettre des rayonnements au sein de leur environnement (http://www.clesdesante.com/article-congres-des-therapies-quantique-un-creuset-de-la-medecine-du-futur-101402170.html).

Je n’ai pas à me positionner sur cela … après tout, chacun sait que nos états d’âme ou nos états d’être ont une influence directe sur notre entourage et inversement. Rayonnement magnétique ou pas… rayonner de joie embellit manifestement notre entourage.

S’approprier des outils pour développer une relation constructive aux autres, permettre à l’Eros de s’étaler encore un peu plus et faire la nique à Thanatos … oui, nous avons tous à y gagner. Et honnêtement faire gicler nos petites parcelles de lumière et en percevoir les effets bénéfiques sur l’Autre est un petit plaisir narcissique fin qu’il serait inutile de censurer.

De plus, chacun est libre de dépenser 185 euros pour assister bien assis aux conférences de ces trois journées.

Là où mon cœur de psychanalyste engagé se coince un peu sont les propos rapportés par le blog cité plus haut :

« La famille quantique s’agrandit d’années en années… » nous dit Marion Kaplan [organisatrice de cette manifestation]. « Une multitude de nouveautés attendront les congressistes de ce week-end quantique, avec une journée spéciale nutrition et une prestigieuse ‘fourchette’ de grands précurseurs au service d’une nouvelle vision de la maladie et de la guérison… Et aussi, 70 exposants pour découvrir des technologies totalement innovantes. Sans oublier une nocturne et des ateliers ! ». Hasard ou ‘coïncidence quantique’, Reims dit-elle « est un choix de cœur. Cette ville rayonnante a vu le couronnement des plus grands rois de France… Et qui sait, Jeanne d’Arc était-elle peut-être quantique à sa manière ? »

En fonction du but visé, Jeanne d’Arc, figure emblématique d’une Reims médiévale, peut aussi bien être vue comme une ‘allumée’, une schizophrène ou l’archétype d’une notion d’identités urbaine et nationale. Notre Marine Nationale a toujours disposé d’un bâtiment nommé Jeanne d’Arc depuis 1820, preuve que son symbolisme passe au-delà d’une société féodale …Quant à quantique, là … il peut être pris comme un bon mot ironique de l’instant.

Libre à chacun de réactiver son idéal de princes et princesses, après tout le fonds de commerce des studios Walt Disney repose en partie sur cela et se ménager des petites grottes de replis infantiles à l’âge adulte est un réflexe de décharge efficace.

Le rayonnement de Reims, dont il est fait mention est avant tout axé sur la cathédrale, la vitrine d’une église cautionnant l’intronisation.

Cette église repose en grande partie sur la notion de ‘Pain’ … le pain quotidien du Pater Noster, fondamental, essentiel à l’entretien du chrétien. Or, toujours dans le blog cité plus haut, ce pain de céréales cultivées est pointé comme l’un des vecteurs majeurs des troubles générés par notre alimentation trop riche et trop édulcorée.

A la question : « Faut-il renouer avec le mode alimentaire des hommes préhistorique ? », le nutritionniste Thierry Souccar répond « Oui ! ». S’entend ici comme homme préhistorique, le « charognard » cueilleur précédant le chasseur du « Paléolithique Ancien » … et bien entendu précédant lui-même le cultivateur-éleveur du Néolithique découvrant la culture du blé (et par voie de conséquence le pain et la bière). L’homme préhistorique étant ainsi réduit à un être bringuebalant et transhumant, trainant la corne de ses pieds sur les bons vouloirs de Mère Nature. On peut sans difficulté argumenter contre les méfaits d’une alimentation trop riche en produits sélectionnés et cultivés … autant que l’on peut argumenter des bienfaits de la bière …

Pourquoi pas ?

Ce qui m’ennuie est le discours sous-jacent : l’Homme est devenu un produit de la pieuvre agro-alimentaire, avant lorsque l’homme respectait son environnement, c’était mieux il n’y avait qu’à suivre le rythme de la Nature.

Certes c’était mieux … on peut même plus ou moins suivre le discours d’une période de l’humanité sans cancer, sans carie, sans maladie cardio-vasculaire. Mais l’homme n’est-il qu’un tube digestif, s’alimentant pour vivre un jour de plus ?

Pourquoi a-t-il été nécessaire de s’ingénier à conserver la nourriture, pourquoi a-t-il été nécessaire d’améliorer la production ? Le propre de l’Homme n’est-il pas d’abord de s’adapter puis d’adapter son environnement à sa propre existence et ainsi garantir son quotidien quels que soient le climat et la richesse des ressources nourricières ? Que serait un monde sans méthode de conservation, sans culture, si ce n’est un monde en guerre permanente, chacun revendiquant légitimement assez de surface pour alimenter sa famille ? A moins de prôner la sélection naturelle autorégulatrice.

Entre une carie et un coup de gourdin, mon cœur balance ?

Revenir à l’alimentation des « hommes préhistoriques » serait nier l’étalement de l’Autre, dans le sens où en tant que responsable de ma petite tribu, ma vocation essentielle serait la défense de mon territoire de subsistance.

Dans l’état actuel de notre civilisation occidentale, je ne peux parler que d’elle, est-on en droit de renier cette intercommunication familiale sur un seul et même territoire ? J’insiste lourdement sur cette tendance de l’Eros à s’étaler … Pour les fidèles et aux admirateurs « culturels » d’une Eglise Cathédrale, Dieu n’est-il pas Amour ?

Alors oui, très égoïstement, je préfère m’asseoir devant une bonne Guinness tiède, voire une insipide Kro fabriquée je ne sais pas comment et continuer à réfléchir calmement à ce qui fait l’Homme. Mon épieu attendra le moment adéquat Eros … ou Porneia.

Quoique … revenir au mode d’alimentation des hommes préhistoriques serait assurément le moyen d’évaluer la théorie de Freud sur le meurtre du Père.

Tout se résume donc à « Suis-je assez respectueux de moi-même pour choisir parmi les mets qui me sont accessibles, ou suis-je la marionnette des campagnes publicitaires ? Suis-je en mesure de prendre du temps pour mon corps ou filer au ciné, ou au théâtre, après le travail, la salade du sandwich entre les dents ? » … Que la mal bouffe soit plus accessible financièrement et géographiquement que les ingrédients essentiels n’est à mon sens pas une question d’homme post-préhistorique … mais d’un pli social récurrent.

Au moins ce pli permet de masquer l’haleine d’un banquet de charogne encore tiède.

 

Plus sérieusement … Quantique ci.

Cette représentation d’une mécanique universelle a maintenant plus d’un siècle, elle a ses prédicateurs, ses détracteurs … Lacan s’y est un approché jusqu’à la tangente … Elle a, semble-t-il dans le contexte de la psychanalyse, échappé à être la caution démonstrative d’une énergie psychique ordonnant la cohérence corporelle.

Cependant à titre d’hypothèse de travail, il est très tentant d’établir un rapprochement épistémologique entre cette mécanique quantique et la méthodologie psychanalytique … et puisqu’elle est apte à comprendre puis décrire certains phénomènes du psychisme, elle devrait être applicable également à l’archéologie de terrain.

Faire une synthèse didactique des fondamentaux de la mécanique quantique n’est pas à l’ordre de ce billet, d’autres auteurs « autorisés » l’ont fait et le feront mieux que moi.

Il me faut tout de même évacuer l’aspect « énergie » de cette mécanique par crainte qu’elle n’embrume le rapprochement épistémologique. Ainsi je privilégie le questionnement autour de la dualité onde/corpuscule et influence de la méthode d’analyse.

Dans cette mécanique, la vie, l’existence propre (hors des yeux de l’observateur) d’une particule est définie par une fonction d’« onde de probabilité » s’effondrant en corpuscule (prendre corps) lors des tentatives d’analyse de sa position ou de son déplacement.

L’observateur et sa méthode d’analyse redéfinissent ainsi par essence le devenir et l’histoire de cette fonction d’onde.

En tant que psychanalystes nous agissons de même lorsque nous tentons d’aborder le fil de l’expérience de vie de nos patients. Notre interaction ici et maintenant lors d’une séance consent à cette fonction de s’effondrer en donnant corps à l’inconscient du patient et permettre ainsi à ce dernier d’isoler puis de déplacer la préhension de son passé et de ses implications dans ses présents et futurs possibles. Le fil de la vie du patient est porteur de tous les possibles au même titre que la fonction d’onde de probabilité.

La manière d’appréhender notre passé le modifie et par voie de conséquence influe sur notre devenir. Il y aurait donc matière et utilité à formaliser une clinique psychanalytique calquée sur la dynamique quantique.

Il en est de même pour l’archéologie de terrain … la méthode d’analyse fabrique la préhension du passé … et de ses devenirs possibles … de sa com-préhension.

A quand la conscience d’une archéologique quantique ?

 


 

Fabrice Kaplan-Laudrin, IPSS, billet du 27 mai 2012

kaplan-laudrin@ipss.info


 

24 avril 2012

La Société du Jeudi par M Spark Austin

La Société du Jeudi


Si, la Société du Jeudi, se retrouve autour d'un repas, elle n'est, pour autant, le regroupement de joyeux lurons, avides de causeries autour d'une table. Mais, une aimable et efficiente synergie de savoir- faire et de savoir-être; non afin de produire la pensée unique, obséquieuse et sous entendue universelle, mais pour oser penser autrement. Et penser autrement, ensemble, est en dépit des efforts, in fine un noble plaisir, à bien des égards, favorable à chacun.

En effet, si l'oralité bouleverse la faim instinctive en plaisir, qui est une charge libidinale conservatrice du corps; la réflexion transforme la pensée stérile en plaisir, qui est elle, une charge libidinale conservatrice du Moi. Loin de la symbolique de la Scène, ces trois professionnels autour d'un repas, sont avant tout, trois humanistes « cogitatiovores », qui dans leur citadelle, ingèrent le savoir de l' autre et pensent la mort pour rendre à la vie son altier blason.

Et puisqu' il n' y a d'action qui revêt un sens et ne porte de nom;; nous nommerons dès lors, cette signifiante synergie: la Société du Jeudi.


Martine Spark Austin


22 avril 2012

Lancement de la Société du Jeudi

La Société du Jeudi

 


 

En fait ... Pagayer correctement calé dans son fauteuil de psychanalyste est loin d'un canotage tranquille sur le Léthé, imaginez :

Acte 1 : Profiter du couloir de dix mètres séparant le bureau de la salle d'attente pour se vider de soi-même

Acte 2 : Regarder droit dans les yeux le patient, l'inviter à venir en se mordant les lèvres pour ne pas lui demander "Comment allez-vous ? ".

Acte 3 : Profiter du couloir de dix mètres séparant la salle d'attente du bureau pour se remplir du patient.

Acte 4 : Passer quinze minutes à faire le point de la semaine et monter tranquillement en puissance, essayer de déchiffrer mes notes de la séance précédente. Raccrocher mes wagons aux siens et les siens aux miens.

Acte 5 : Enfin le cœur du sujet ... trente minutes à jouer à Gepetto, le sculpteur paternaliste rêvant de donner vie et liberté, user des petites et grosses ficelles de la psychanalyse pratique ... amener à faire jouer, rejouer encore et encore les pantomimes d'une vie qui ne m'appartient pas, malaxer les maux entre eux jusqu'à ce qu'ils s'usent et disparaissent, faire s'accoupler les mots pour qu'ils engendrent la vie.

Acte 6 : Passer treize minutes à faire redescendre des planches, tranquillement, doucement ... à faire en sorte que le patient devienne son propre public et applaudisse les saynètes précédentes.

Acte 7 : Prendre plaisir aux deux dernières minutes, celles où tout se déclenche, où le patient réalise la prochaine marche à gagner ...

Acte 8 : Profiter du couloir de dix mètres séparant le bureau de la porte du palier pour redonner le patient tranquillement à la vie.

Et moi dans tout ça, loin des patients ?

Godillant à coups de Saint-Freud ou de Diablotin-Jung, j'en oublierais presque l'idée initiale d'une association psychanalytique : prendre son pied à mettre au jour les recoins du psychisme et en décortiquer les mécanismes ... et une association qui se respecte mérite le symposium.

Le symposium est un acte créatif très sérieux ...

Depuis quelques semaines l'IPSS a entamé un chantier : croiser les vues sur ce que définit la mort d'un homme.

Conciliabules autour d'un repas perdurant ... Manger permet de laisser parler l'Autre et de réfléchir posément à son argumentation.

Conciliabules d'une psychanalyste formée dans une vie précédente aux milieux gérontologique et psychiatrique et à l'intervention médicale d'urgence, un psychanalyste formé également dans une autre vie aux chantiers archéologiques funéraires de Haute-Asie, et un troisième comparse archéologue de la mort encore en exercice.

Il était nécessaire d'en définir le cadre officiel : La Société du Jeudi, que nous fondons donc via ce billet.

Jovis Dies ... au fond, nous en espérons sa fulgurance.Jupiter_23385_md

 


Fabrice Kaplan-Laudrin, IPSS, billet du 23 avril 2012

kaplan-laudrin@ipss.info


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17 avril 2012

MODUS MORTIS

MODUS MORTIS.


La mort dans son terme générique et principal est un procédé par lequel s'effectue une rupture des fonctions vitales majeures, définitives et irréversibles.

Elle s'établit du point O, point de cessation de toutes activités cardiaques et cérébrales et ce jusqu'à 48h, là où s'achèvent définitivement la vie cellulaire et les réponses immunitaires et où commence le processus de décomposition.

( Vass 2001 ); (Stephen L Percival: decomposition of human remains P 312 -316.)

Donc , si le procédé de mort permet l'émergence d'un autre processus, d'un nouvel état, au bout de 48h, celui du post-mortem, où se met en place un écosystème , (Charabidze 2006, p 17, Leclerq 2011, traité de medecine légale) il prend véritablement fin à cet instant. Cette période au delà du procédé de mort, pourrait s'appeler la période post modus mortis , (après le procédé de la mort). Ce qui n'est toutefois pas une opposition à Thanatos: « qui n'est pas un procédé mais un ensemble de faits liés à la mort.», mais complémentaire. Denis Bouquin ,thèse 2012Szandi-van reeth 1970 p 370.

La mort en ces termes, est certes un procédé mais aussi un état. Toutefois, là où s'achève le procédé, l'état émerge. Mais pas seulement, dans une période que je qualifie d' ante-modus mortis. l'état peut précéder le procédé.

le procédé de mort biologique, s'il engendre l'état de mort cellulaire, ne s'accompagne pas inéluctablement de l'état de mort eschatologique. A contrario l'état de mort psychique, * comme l'état de mort sociale, peuvent précéder le procédé de mort biologique. Dans ce raisonnement, sur l'échelle du temps, l'état de mort peut avoir débuté bien avant le procédé de mort physique, mais surtout pour qu'elle soit définitive, elle doit à distance s'accompagner d'un certain nombre d'états de mort tels l'état de mort eschatologique, mais également de mort du gène.

Pour que la mort soit définitive, et c'est la condition sine qua non, il faut: le procédé et l'ensemble des états postérieurs. Le procédé sans l'état n'est pas la mort définitive. L'état sans le procédé n'est pas non plus la mort définitive.

La mort définitive est ce qui ramène au vide, au minéral, au matériel. Mais tant que des restes humains sont rattachés à une histoire, à une trace organique, à un nom, elle renvoie toujours à l'humain et est, par voie de conséquences, incomplète.


 LES ETATS ANTE MODUS MORTIS ET POST MODUS MORTIS.

Mort sociale

Mort psychique

Mort physique

Mort cellulaire

Mort organique

Mort eschatologique

Mort du nom

Mort du gène

 

Mort définitive

Les états

Ante modus mortis

Modus mortis

Les états post modus mortis

 

Le paradoxe n'est pas d'abord, que nous sommes régis par les pulsions de mort comme par les pulsions de vie; ni même seulement que la vie et la mort sont interdépendants; mais plutôt que dès notre naissance nous sommes entrain de mourir et pourtant, nous mettons tant de temps à l'être.

En effet, nous sommes dans une logique de décroissance de vie et non de progression . La nourriture, l'eau, l'oxygène, l'affect, ne sont que des agents extérieurs de vie dont nous sommes totalement dépendants pour protéger, garantir et pérenniser la vie. Si nous n'étions pas en phase de mourir, dans une décroissance de vie permanente, nous n'aurions pas besoin de nous nourrir en autre. De même, il n'existe pas de surcroit de vie , car il n'existe que des manques à combler pour parvenir à un niveau optimal de vie, qui ne peut jamais être un excédent. C'est bien la preuve, que nous fonctionnons par défaut de vie et non pas, par excès.

La mort ainsi serait bien plus grande que la vie. In fine, la vie ne serait-elle qu'une trêve dans la mort? Ne serions nous vivants, que parce que nous ne sommes pas encore morts? Sommes nous vivants au delà de la conscience de l'être ?

Ainsi il est intéressant de voir que la mort peut se contracter, comme se dilater; donc qu'elle est élastique dans sa dimension temporelle, entre la période «ante modus mortis» et «post modus mortis» Mais aussi, que nous ne sommes pas tous égaux face à la mort définitive. En effet, seuls ceux qui auront eu la chance, l'audace, la pugnacité de voir leur empreinte de vie perdurer, ne seront pas réellement morts.

En conséquence, il convient pour appréhender les différentes étapes dans le temps de la mort absolument définitive, d'en définir ses différents états.

 Et pourquoi le faire ?

Si Gandhi disait: «On peut juger la grandeur d'une nation par la façon dont elle traite ses animaux.»,

j'affirme: On estime la noblesse d'une civilisation à la manière dont elle traite la mort.


( à suivre...)


Martine Spark Austin


Bibliographie: 

  • Vass 2001.

  • Stephen L Percival: decomposition of human remains P 312 -316.

  • Denis Bouquin ,thèse 2012.

  • Szandi-van reeth 1970 p 370.

  • association mort et sommeil. Pigné 2008. P22

  • Destemberg Moulet 2008.

  • La psychopathologie de la vie quotidienne. Freud.

  • Liliane DALIGAND. Date de réalisation : 6 Juin 2008.

  • Le droit de vivre et le droit de mourir. F Sarda.

  • Maslow.

  • Charabidze 2006, p 17.

  • Leclerq 2011.

  • Traité de medecine légale.

1 avril 2012

Psychanalyse égologique : Topographie du Cabinet Ideal

Une Application de la Psychanalyse égologique :

Topographie du Cabinet Idéal  

 


 

J'aime ce mot cabinet, meuble à tiroir, cabinet de curiosités, cabinet de lecture, cabinet de travail, cabinet de crise … et enfin petit coin où je me lâche et me cultive tranquillement.

Ce cabinet c’est Moi et à ce titre il fait écho à toutes les instances de mon psychisme ; au point où le mal-être du deuil s’installe lorsqu’il m’arrive de devoir déménager cet espace.

Ainsi conformément à la topologie de la psychanalyse égologique[1], le cabinet idéal épouse chaque locus englobés dans une Corporéité : le Vestibule/Moteur de l’Emotion, le Régulateur du Conscient, le Conscient, le Préconscient, le Régulateur du Préconscient, l’Inconscient  et le Vers le Vide.

 

Le Vestibule / Moteur de l’Emotion est le lieu de la peur, de la crainte, du plaisir et du déplaisir, l’espace des décharges émotionnelles. C’est le lieu de l’avant et de l’après, une espèce de purgatoire entre le monde extérieur et le jardin clos de la séance.

Le psychanalyste y place ses craintes construites d’une séance morte, du face-à-face avec un patient retors, ou à l’inverse la promesse délicieuse d’une séance au déclic prévisible. C’est le lieu de l’empathie sociale du début de séance, des Salamalecs essentiels permettant au psychanalyste d’extraire le patient de son passé immédiat et du Vale[2] rendant l’analysé à l’état de patient en marche vers son futur de derrière la porte du cabinet.

Pour le patient, non encore en séance, non encore dans son état d’analysé, ce vestibule est seuil. Puisqu’il est seuil, il est rituel.

Il est la consigne de son quotidien, mais également le temps du « Maintenant que j’y suis, j’y reste ». Ce MQJYSJYR est pour moi l’acte le plus constructif de la séance. Il convient donc de laisser au patient le temps de se projeter en analysé, de laisser en consigne son quotidien.

Le temps utilisé dans cet espace est celui de la rencontre psychanalyste/patient … un entre-temps … Avec la même signification d’un temps des pas-perdus dans un hall de gare, où tous les types de rencontres sont possibles, sous la grande horloge, entre le taxi et le train en partance … ou inversement.

 

Vient après le Régulateur du Conscient, antichambre où coexistent librement les notions de Soi et de Jugement de Soi et par conséquence d’affichage de Soi.

Pour le psychanalyste, cette topique est la vitrine de son cabinet, de la mise en scène, le moment du débriefing hebdomadaire du patient devenant mot après mot analysé. Le bref instant où le ‘devenant analysé’ se perçoit encore en relation avec ce qui l’entoure. Le bref instant où l’analysant entre vraiment en scène et s’affiche, induit son patient vers le transfert. Cette antichambre du Conscient est également le temps et l’espace du règlement financier de la séance, là où la qualité du service donné et reçu prend sa dimension matérielle de frustration, de soulagement ou de sacrifice.

Ainsi, il est nécessaire que le cabinet, dans sa fonction Régulateur/Antichambre du Conscient soit à l’image de l’analysant. Que l’induction vers l’état d’analysé procède du plan de perception de l’analysant et non l’inverse.

Bibelots, tableaux et autre mobilier du cabinet de curiosités livrés à la vue du patient sont les éléments perceptibles du microcosme au sein duquel le devenant analysé pose son approbation de s’offrir en  tant que territoire occupé. Le principe essentiel de l’acculturation consentie est la condition majeure d’un transfert efficace.

Autrement dit, la culture de l’analysant est le cadre d’émergence de l’Inconscient de l’analysé …

Cela pose évidemment question dans le contexte d’une psychanalyse inter ou multi culturelle, notamment dans la nécessité absolue du psychanalyste à être homme et acteur de son lieu et de son temps … en fait, de ses lieux et de ses temps.

 

Qu’en est-il des cabinets où le psychanalyste est manifestement de passage ou sous l’autorité institutionnelle ? Là est la limite du Cabinet Idéal, l’institution est la mère nourricière de l’analysant, mais elle est également castratrice. Sa masturbation intellectuelle étant bien entendue surveillée du coin de l’œil, impliquant également un cadre normé à l’émergence de l’Inconscient de l’analysé. En revanche, en désinvestissant le Régulateur du Conscient, le cautionnement institutionnel peut également se révéler un confort non négligeable pour le patient, favorisant également l’émergence visée.

 

Au sortir du Régulateur du Conscient, deux chemins sont possibles, celui du Préconscient et celui du Conscient.

 

Où se place le Conscient du cabinet ?

Il semble que ce soit autour des notions de ressenti de l’analysé, d’éprouvé .. de stase consciente au sein de laquelle les manifestations de l’Inconscient pourront voir le jour.

Cela vise donc le divan, ou plutôt l’état d’esprit de l’analysé flottant sur le canapé sous l’oreille de l’analysant. Ce mobilier particulier est l’icône de la psychanalyse classique, en conséquence celle du psychanalyste, dans sa fonction ou hors de sa fonction d’analysant.

Le divan est tour à tour craint et désiré par l’analysé, il est le manifeste de l’occupation du territoire. Il est également le fauteuil de scène d’où l’analysé assiste privilégié à son propre théâtre … à la fois dedans, à la fois dehors ; mais aussi le signe postural d’une régression consentie.

L’esthétisme du divan est-il capital ? Là encore, la culture du psychanalyste est le point de départ de l’écoute. Elle conditionnera le poids esthétique de son icône. Il est le lieu du verbe immédiat, du Logos créateur du sens, sans mémoire.

Le divan est la table de l’obstétricien.

 

Prendre les rennes de la stase consciente implique également la dimension temporelle de la séance. Ainsi l’horloge, le marqueur temporel, suit les mêmes règles que le divan.

Assis dans sa culture, maitre du lieu, maitre du temps, le psychanalyste est donc le garant et le responsable des conditions dans lesquelles viendront émerger les étincelles du Non-Conscient.

 

Au sortir du Régulateur du Conscient s’ouvre une seconde voie, celle du Préconscient du cabinet. Comment se manifeste-il ?

 

Ce Préconscient peut s’assimiler à la mémoire immédiate, ainsi il concerne uniquement l’analysant dans sa position d’écoute flottante en opposition au Logos créateur de l’analysé.

Le lieu de cette mémoire immédiate est bien entendu le fauteuil.

Piédestal sacré ou siège utilitaire, le fauteuil est ce qui donne sens au divan. Plus encore même que ce dernier, le fauteuil est à l’image de son propriétaire.

Narcisse anti-typique, à l’écoute d’Echo angoissée, l’analysé.

Comme Narcisse, l’analysant est condamné à ne saisir que les derniers mots du monologue d’Echo. Le premier tentant d’interpoler entre les vides, de faire faire sens d’un discours qui n’aurait de logique que dans le monde de la dernière. Désaisir Echo de son Logos morbide, non com-préhensible vers ce qui donne sens commun. Miroir encore … la création de l’analysant n’est-elle pas de bouleverser le discours échevelé de l’analysé, de renverser l’adage ce qui se conçoit bien s’énonce clairement en ce qui s’énonce clairement se conçoit bien ?

Cette conception assumée est le véritable accouchement de la relation transferielle. Relation incestueuse visant à remettre en route le schéma de la dynamique œdipienne.

Faire manifester l’Inconscient est précisément lui donner sens, le mettre au monde … le monde de l’analysant bien entendu. A Echo de le reconnaître comme son rejeton …ou pas.

Echo, répétition … pour J.B. Nasio, l’Inconscient n’est-il pas précisément la répétition ?[3]

 

Le Préconscient de l’analysant est lié à l’Inconscient, par le Régulateur de l’Inconscient

 

Le Régulateur de l’Inconscient est le siège de la méthode et des mécanismes associatifs. Le filtre de l’Inconscient est composé des lectures et autres supports de la connaissance et de la formalisation du discours psychanalytique.

Ce lieu des paroles fondamentales, des interrogations générant la pensée est la bibliothèque.

Doit-elle être accessible au patient ?

La question serait plus riche sur les idées suivantes :

- que ferait le patient d’une telle somme indigérée, indigeste ?

-si toute bonne analyse est de fait une analyse didactique, alors pourquoi ne pas ouvrir librement le champ du savoir ? Au patient de cultiver …

Quoi qu’il en soit, le Régulateur de l’Inconscient, la bibliothèque, est une partie du microcosme du psychanalyste et sa finalité envers le patient suit les mêmes règles que le Régulateur du Conscient.

Afficher sa bibliothèque, la rendant accessible au regard, montrer le fonds, signifient mettre au diapason notre patient « devenant analysé ». Moins une montre de notre savoir que la culture de l’analysant à partir de laquelle le discours va reprendre sens.

 

Y-a-t-il une bibliothèque idéale ? Oui, celle qui tient notre discours et le contredit, celle qui nous fait sens et celle qui est susceptible de nous faire sens un jour. Une bibliothèque est une âme, une anima, une compagne avec ses boires et déboires. Une Goulue fière de ses rides, mais hantée par sa sénilité. Mais elle est avant tout le siège de l’apprentissage de la Reconnaissance.

 

Le Régulateur de l’Inconscient  permet d’accéder à deux autres espaces : le Vestibule/Moteur des Emotions et l’Inconscient.

Rejoindre le patient au Vestibule via le Régulateur de l’Inconscient est le cheminement logique d’un re-contact sans affect irraisonné, tout en affichant notre filiation à l’esprit de notre bibliothèque, notre source maternelle.

L’autre espace accessible par le Régulateur de l’Inconscient est précisément l’Inconscient.

 

 

L’Inconscient est le siège de la mémoire organisationnelle, de la culture initiale, de l’affect, du pulsionnel et de la sensibilité. A l’opposé du Fonds méthodique du Régulateur, nous sommes ici face au Fondement du psychanalyste, son espace intime. Ce qui le/lui pousse au train malgré lui. Il est cristallisé autour du plan de travail, de son bureau. Il est également l’espace de l’empirisme, du retour sur expérience, du dépôt de verbatim, de l’indispensable courriel, des dossiers en cours ou en archives accumulés tout le long de sa carrière … des factures aussi, voire de la bouteille de Cognac … ou du thé précieux. Lieu où l’analysant s’efface derrière le psychanalyste.

A la fois tour d’ivoire et centre de commandement, lieu d’épanouissement personnel et antre du doute. Le temps de l’horloge du cabinet n’est plus celui mesuré de la séance. Expansion, contraction, cet espace est donc le cœur du cabinet.

Doit-il être accessible au patient ou à l’analysé ?

A mon sens, non … Il n’est pas besoin pour un psychanalyste de se montrer potentiellement occupé, potentiellement chef d’entreprise ou perdu dans l’écriture d’un manuscrit. Tout ceci est dans la définition même de la fonction de psychanalyste.

Faire percevoir au patient les battements de cœur fondamentaux va à l’encontre de l’idée suivant laquelle l’espace dédié à la séance soit un lieu retranché du quotidien, un lieu sans tiers. De plus pour l’analysant, afficher son quotidien de psychanalyste décale l’objectif même de la séance : mettre au jour le Non-Conscient de l’analysé et uniquement de l’analysé. Point n’est besoin non plus de justifier d’une table pour recevoir son chèque, ou noter le prochain rendez-vous.

Montrer son fondement est une gaminerie inutile à l’homme assis.

 

En parlant de fondement … il reste un dernier espace central en liaison avec les deux Régulateurs et le Préconscient : la chasse d’eau du mémoriel, le ‘’Vers le vide’’, cabinet d’aisance.

L’exercice quotidien de la psychanalyse nécessite la capacité d’oubli, d’évacuation, sous peine de schizophrénie sourde. Psychanalyste idéalement pluriculturel, analysant, référant, cloisonnant, patientant … se vider pour mieux se reconnecter. L’idéal serait des toilettes privées, espace anarchique croulant sous les bandes dessinées ou les revues de vulgarisation, sans oublier la machine à café, une fenêtre et un large fauteuil-fumoir.

 

 

Topique

Temps

Objet/Situation

Acteur 1

Acteur 2

Vestibule des   Emotions

Entre-temps

Salle d'attente

Psychanalyste

Patient

Régulateur du   Conscient

Temps Culturel

Curiosités

Psychanalyste

Patient

Conscient

Temps de l'Horloge

Divan

Analysant

Analysé

Préconscient

Temps de l'Horloge

Fauteuil

Analysant

Analysé

Régulateur du   Non-Conscient

Temps Culturel

Bibliothèque

Psychanalyste

Patient

Non-Conscient

Pouls du Cabinet

Bureau

Psychanalyste

 

Vers le vide

Non-Temps

Toilettes

Psychanalyste

 

Topographie du Cabinet Idéal : Tableau 1 – Synthèse et contexte des topiques

 



[1] Voir Figure 1 (billet du 31 mars 2012).

[2] Vale est l’expression « Porte-toi-bien » en Latin

[3] Nasio J.-D. 2011 : L’Inconscient c’est la répétition ,, Séminaires Psychanalytique de Paris n°136, Samedi 24 Septembre 2011, Paris, Espace Reuilly, polycopié.

 

communauté, d’un psychisme communautaire.




 

(à suivre …)

 


Fabrice Kaplan-Laudrin, IPSS, billet du 30 mars 2012

kaplan-laudrin@ipss.info


 

31 mars 2012

Formaliser une Psychanalyse Egologique (1)

            Formaliser une Psychanalyse Egologique

 


Comment le Moi s’apparaît, comment organise-t-il son monde, comment produit-il son egocosme ?

Ces questions sont les outils principaux d’une psychanalyse centrée du la perception du Moi par le Moi lui-même …en toute subjectivité.

L’expression Erscheinungslehre des Ich « phénoménologie du moi » est l’une des composantes majeures du  Système de l’éthique de Fichte en 1798, signifiant une théorie dont le Moi s’apparaît à lui même.[1] Elle peut également définir une égologie, dans le sens d’une étude du Moi perçu comme « sujet personnel ».

Cette étude du Moi s’apparente à une analyse ethnographique, prenant en compte le « biotope » du sujet, son héritage culturel, le mécanisme de formation des tabous, sa claire définition de ce que représente l’après-moi et l’avant-moi, face aux contingences et aux choix … son perpétuel devenir.

Même s’il met en lumière les limites de la psychanalyse classique, Jean-Paul Sartre défriche précisément les bases de cette égologie lorsqu’il rédige son introduction aux Œuvres complètes de Jean Genet en 1952[2]. Particulièrement lorsqu’il note que L'important n'est pas ce qu'on fait de nous, mais ce que nous faisons nous-mêmes de ce qu'on a fait de nous. L’homme ne nait pas vierge de tout contexte, de tout « biotope », mais il se développe de là, au-delà ou en-deçà. Hanté jusqu’à la limite de la raison, balloté à en vomir, par la question : Qui suis-je face à ce que voulais être ?

C’est sur cette base qu’il m’apparaît nécessaire de développer une psychanalyse égologique fondée au sein d’un égocosme en perpétuelle mutation dans le ballotement et la répétition ; bien au-delà de l’Idéal du Moi, bien au-delà des intérêts narcissiques.

Jusqu’à aujourd’hui, le modèle fonctionnel hérité de Freud se révèle une représentation du psychisme efficace. Je développe le modèle égologique autour de la première topique, celle de 1900/1915 définissant les trois systèmes : Conscient (Cs), Préconscient (Pcs) et Inconscient (Ics). La seconde topique (1920) impliquant les notions de Ca, Moi et Surmoi et les conflits inter/intra systémiques ne sont pas applicables dans ce contexte.

Le modèle fonctionnel de la première topique repose sur deux boucles systémiques. L’une est dite progédiante : elle nait dans l’Ics, récupère des éléments du Pcs et s’investit dans le Cs. A l’inverse la boucle régressive nait dans le Cs, récupère des éléments du Pcs pour finir de se stratigraphier dans l’Ics. Aucune communication directe n’est théoriquement possible entre le Cs et l’Ics. La cybernétique, en particulier les travaux d’Alain Cardon[3], montre qu’il est nécessaire, à des fins d’implantation logique, de développer une interface entre le Cs et le Pcs, le Régulateur du Conscient (RCs) et entre l’Ics et le Pcs, le Régulateur de l’Inconscient (RIcs).

J’adopte provisoirement l’architecture de ce modèle et modifie les deux boucles systémiques de la manière suivante :

-  boucle systémique progédiante : Ics -> RIcs -> Pcs -> RCs ->Cs.

- boucle systémique régressive :  Cs -> RCs -> Pcs -> RIcs -> Ics.

L’instauration de ces deux Régulateurs permet un fonctionnement fluide et raisonné du modèle cybernétique fonctionnant en autarcie, en machine logique, sans émotion perturbatrice. A l’inverse de ces modèles parfaits, l’Homme est en constante interaction avec ses émotions, à la fois protocole social et symptômes intrinsèques, à la fois résultantes de l’Ics ou/et du Cs. Il est donc nécessaire d’implémenter une quatrième  instance primordiale : le moteur des émotions (ME). Me en Anglais, Moi en Français, le terme émotion emportant l’idée de motion, moteur … à l’inverse des régulateurs précités[4].

L’Homme est donc défini dans ce modèle comme un être majoritairement motivé par les émotions, à l’inverse de tout système logique.

Ce modèle est donc composé d’un moteur (ME), de deux Régulateurs (RIcs et RCs) et de trois instances historiques (Cs, Pcs, Ics) en interaction directe avec notre corporéité englobante.

Les émotions perçues comme moteur du psychisme humain créent de nouvelles boucles systémiques ayant pour point de départ non plus Cs ou Ics, mais ME. Il s’avère également que ME fasse régulièrement office de Pcs. Le Préconscient est apte à s’effacer devant les émotions déclenchées majoritairement par la Corporéité et par certaines décompensations de l’Ics, notamment dans la notion de date anniversaire.


 

Un modèle constructible du modèle psychique artificiel nécessite la définition d’attracteurs, de fonctions et de perceptions temporelles composant chacune des éléments précités. Cette définition est  le fondement de ma définition de la psychanalyse égologique.

a- la Corporéité,

Les travaux de Didier Anzieu ont largement précisé les fonctions et la place prépondérante du moi-peau dans la constitution du Moi, de la pensée et de la maintenance du psychisme.[5] A la fois siège de l’intersensorialité, il est également l’outil et le miroir des principales dynamiques narcissiques et au final le théâtre des manifestations du Sur-moi (rougeurs, eczéma, chair de poule …), des émotions. Cette Corporéité est donc à la fois le contenant de l’appareil psychique mais également une partie de ce dernier.

Les attracteurs sont les sens du Moi, c'est-à-dire les cinq sens classiques.

Connecté bilatéralement directement au Moteur des Emotions et au Conscient

Contrairement à la psychanalyse classique ou l’Inconscient est en prise directe avec la Corporéité, l’Inconscient n’est en interaction qu’au travers de la boucle systémique Inconscient Régulateur de l’Inconscient Moteur des Emotions Corporéité.

La notion temporelle synthétise et redistribue l’ensemble des perceptions temporelles du psychisme. Elle peut être totalement volatile ou s’imprimer définitivement sur la peau, faisant ainsi mémoire.

 

b- Moteur des Emotions.

Moteur dans le sens initiateur d’une dynamique, une e-motion., pouvant mener jusqu’au « hors de moi », c'est-à-dire hors de sa propre corporéité. Ce moteur projette le ressenti en direction du Cs ou de l’Ics via les Régulateurs en fonction des attracteurs touchés.

Dans le sens de la psychanalyse égologique, ce ME est l’âme (anima) du sujet. C'est-à-dire ce qui l’anime.

Connecté bilatéralement à la Corporéité, au Rcs et Rics.

Les attracteurs sont, entre-autres : le plaisir, le déplaisir, la peur, le vide. La notion temporelle est celle de la décharge relative aux attracteurs précédents, instantanée ou distillée.

 

c- le Régulateur du Conscient (RCs),

est le siège de l’enstratification des valeurs du Moi, de la dignité et de la définition de la norme sociale.

Les attracteurs sont les notions de jugement et de valeur de soi en rapport avec le contexte social.

Connecté bilatéralement avec le Cs, le ME et le Pcs, la notion temporelle est celle du réflexe immédiat défensif ou offensif.

 

d- le Régulateur de l’Inconscient (RIcs),

est le siège de la cognitivité par apprentissage raisonné ou par mimétisme. Le Rics est l’espace idéal de la cure psychanalytique, il est également situé à proximité de l’Ics, sans perturbation du Pcs et du Cs.

Les attracteurs sont en particulier le langage, l’analyse et les associations logiques ou sémantiques, le symbolisme et par voie de conséquence du rêve.

Connecté bilatéralement à l’Ics, Pcs et ME, la notion temporelle est celle de la cognitivité réflexe ou analysante.

 

e- le Conscient (Cs),

est le locus de la sensation éprouvée, de la sensation de penser, régulé par le RCs il est cadre des émergences cohérentes de la boucle progédiante et des manifestations du ME. A l’inverse, source de la boucle régressive, il est le garant d’une expérience empirique digérée et organisée. A l’opposé du ME face à l’expérience du vide, le Cs est le lieu du « déjà vu ».

L’attracteur unique étant cette sensation éprouvée.

Connecté bilatéralement à la Corporéité et au RCS, la notion temporelle est celle de la stase consciente, du ici et maintenant.

 

f- le Préconscient (Pcs),

est le produit des deux Régulateurs, sans relation avec la Corporéité, ni avec ME. Il se définit comme le locus du conflit territorial des résultantes provenant de RCs et Rics. Bien qu’il soit classiquement la barrière entre Cs et Pcs et le passage obligé des deux boucles systémiques historiques, l’implémentation de ME permet de conceptualiser des boucles directement émotives, résultantes également de RCs et Rics. Cette nouvelle conceptualisation est lourde de conséquences sur les notions de perlaboration et de percolation usuellement attachées au schéma de la psychanalyse orthodoxe.

Les attracteurs étant cette barrière classique du Pcs et le conflit de frontière.

Connecté bilatéralement au RCS et au Rics, la notion temporelle est celle de la mémoire immédiate. Economiquement, le Pcs est le premier pôle très consommateur de l’énergie psychique.

 

g- l’Inconscient (Ics),

est le locus de toutes les interrogations, celles d’une ontogenèse ou d’une phylogenèse ?

Les attracteurs principaux sont la faculté mémorielle, le confort du travestissement et le moteur à répétition des avatars et des clones du Moi dans sa globalité, le pulsionnel, la sensibilité et la culture héritée..

La notion temporelle est celle de la mémoire organisationnelle.

Connecté bilatéralement au Rics, il se nourrit de la boucle régressive, tout en étant la source de la boucle progédiante.

 

h- Vers le Vide.

Il y a enfin une dernière notion, une dernière instance de sauvegarde du Moi, une dynamique volontaire ou procédant d’un réflexe construit, en opposition avec la dissimulation fonctionnelle de l’Ics.

Elle est aussi la décharge réflexe du conflit du Pcs, le choix d’un déroutement provisoire d’une boucle systémique, « botter en touche ». Cet oubli construit peut être le siège de comportements addictifs, de rituels vitaux, de fuite en avant consentie. Elle est avant tout une temporisation et une tentative de hiérarchisation du faisceau de boucles systémiques.

 

En revanche, pour le psychanalyste, le diagramme stratigraphique de ce maelstrom est un outil privilègié donnant accès rapidement à la dynamique du conflit Pcs et aux formes de RCs et Rics.

Trois types de forces é-meuvent et alimentent cette instance :

a- en interne, un maelstrom, force ‘centrifuge’ permettant l’enstratification en perpétuelle dynamique de ce puits sans fond.

b- une dynamique réflexe construite et unilatérale, provenant de la décharge du Pcs et des méconnaissances/incompréhensions temporaires du Rics.

c- une dynamique réflexe construite et bilatérale, provenant dans un sens du RCs et ayant pour fonction la dépose consciente et raisonnée des conflits provenant du Pcs, puis dans l’autre sens la réactivation consciente et raisonnée des conflits déposés en vue d’un traitement acceptable par la stase du Cs ou la remise volontaire au conflit du Pcs.

Economiquement, l’énergie utilisée à maintenir cet ordre hiérarchique est le second pôle de dépense de l’énergie psychique.

 g3012


[1]              GODDARD Jean-Christophe 2006 :  Pulsion et Réflexion chez Fichte, une Ethique Pulsionnelle, in La Pulsion, Librairie Philosophique J. Vrin, 2006, p.49. ISBN 2-7116-1803-X

[2]              SARTRE Jean-Paul 1952 : Œuvres Complètes de Jean Genet, Saint Genet Comédien et Martyr, NRF, Gallimard, 9 juillet 1952, 696p. ISBN 978-2070227235. Sartre en fin de volume précise  : "Montrer les limites de l'interprétation psychanalytique et de l'explication marxiste et que seule la liberté peut rendre compte d'une personne dans sa totalité, faire voir cette liberté aux prises avec le destin, d'abord écrasée par ses fatalités puis se retournant sur elles pour les digérer peu à peu, prouver que le génie n'est pas un don mais l'issue qu'on invente dans les cas désespérés, retrouver le choix qu'un écrivain fait de lui-même, de sa vie et du sens de l'univers jusque dans les caractères formels de son style et de sa composition, jusque dans la structure de ses images, et dans la particularité de ses goûts, retracer en détail l'histoire d'une libération : voilà ce que j'ai voulu."

[3] CARDON Alain 2011 :  Un Modèle Constructible de Modèle Psychique, licence Creative Commons , janvier 2011, 196 pages.

[4] Le ME du modèle de psychisme développé dans cet article est l’équivalent du Centre de Traitement des Emotions des travaux de Cardon. Cependant là s’arrête mon emprunt à Alain Cardon

[5] ANZIEUX Didier 2007 :  Chabert Dominique, Cupa Dominique, Kaës René, Rousillon René et alii, Le moi-peau et la psychanalyse des limites, le Carnet Psy, Erès, 6 décembre 2007,  211 pages, ISBN 978-2749208053.

 communauté, d’un psychisme communautaire.




 

(à suivre …)

 


Fabrice Kaplan-Laudrin, IPSS, billet du 30 mars 2012

kaplan-laudrin@ipss.info


 

 

6 mars 2012

Brève n°3 : Reims - Semaine de la Santé Mentale

Semaine de la Santé Mentale

REIMS - du 12 au 18 mars 2012


Semaine_de_la_Sant__Mentale 

cliquez sur ce lien pour consulter le programme en PDF


Fabrice Kaplan-Laudrin, IPSS, billet du 6 mars 2012

kaplan-laudrin@ipss.info


 

 

 

4 mars 2012

Brève n°2 - 2400 ans avant Freud

Antiphon d’Athènes, un Pré-freudien ?


 

 

L’une de mes grandes frustrations sourdes ayant eu un impact majeur sur mes choix de vie est une phrase d’un de mes professeurs de Grec : « Tout a déjà été pensé et écrit en Grec ! Tout n’est depuis que répétition. ».

A l’époque, pour un ancien bègue, la sentence était lourde, non seulement je n’avais aucune chance d’être inventif par la parole, mais en plus j’étais grillé dans l’œuf  sur l’éventuelle originalité de mes écrits …

J’ai depuis réussi à me convaincre que les idées, comme les névroses, ne pouvaient survivre que par la répétition et l’adaptation … à moi d’endosser le rôle du Passeur.

Il y a quelques années, je pensais avoir déniché une pensée originale, née ex-nihilo, une pure création par le verbe : La Psychanalyse, avec un grand P.  Foireux, comme un grand Pet.

Fût un temps où Freud, Sigmund Freud, devenait mois après mois, pour moi,  le Messie d’un retour à l’essence de la pensée. Bien au-delà d’un narquois Platon ou de cet amour d’Epicure. Ma chronologie s’enroulait autour d’un calendrier antéfreudien  ou postfreudien … Ecrits Evangélistes puis commentaires accrédités des Pères du Cénacle.

Même pas Saint Freud … Le Messie n’a jamais été un Saint, il était la Sainteté Incarnée, le Logos … créateur et ordonnateur du Monde par le verbe. Enchristé dans un contexte antisémi-tique (1).

Breuer et Charcot ? Jean-Baptiste était là pour préparer  la venue du Messie, non ? Alors ? … Un préparateur n’est pas un prédécesseur.

Et puis, il y a eu la découverte de l’Homère Magnifique … Lacan et son herméneutique.

Un peu plus tard, il y a eu la crise de foi. Largement entamée par l’infecte L’Effet ‘Yau de Poêle de Lacan et des Lacaniens de François George …

« Maudissez, maudissez, il en restera toujours quelque chose … ». Au moins cela a eu le mérite de me rapprocher de Jung.

Ou était-ce la résolution d’un complexe d’Œdipe ?

Enfin, il n’y a pas si longtemps … il y a eu la petite mouche agaçante … Michel Onfray et ses Sagesses Antiques … Antiphon, sophiste et orateur décédé à Athènes en 411 av. n. è, contemporain de Platon et de Protagoras.

Tout a vraiment été pensé en Grec …

Ce billet n’a pas pour vocation à dresser la biographie d’Antiphon, juste offrir  à penser, même si la répétition permet de faire vivre encore et encore.

Juste quelques mots pour faire croître le doute :

Antiphon serait l’auteur de l’Art d’échapper à l’Affliction.

Dans une culture où la transe et la magie servent de phare aux décisions du quotidien, Antiphon analyse les rêves de ses patients, s’appuyant sur la logique et la symbolique … Onicritique.

Une analyse au bénéfice du rêveur … dans une normalité ambiante où chaque cause et chaque effet procède des dieux.

Dans une culture où Socrate prêche « Connais-toi toi-même et tu connaitras l’univers et les dieux », bien loin d’une volonté de connaissance égocentrée … l’Homme n’est que le précipité des joutes divines.

Antiphon propose d’accéder à la source du mal-être, à sa pleine connaissance, par la parole libre.

Antiphon propose de fabriquer des représentations utiles pour agir sur le corps et infléchir les logiques de souffrances psychiques, donc corporelles. (2)

Le Pseudo-Plutarque écrit de lui : Dans le temps qu'il s'occupait de poésie, il imagina un art pour guérir de l'ennui, comme les médecins en ont un pour traiter les maladies. Il fit même bâtir à Corinthe, près de la place publique, une petite maison, et afficha sur sa porte qu'il avait le secret de dissiper les chagrins par ses discours. Il demandait à ceux qui s'adressaient à lui le sujet de leurs peines, et il les adoucissait. (Plutarque, Oeuvres Morales - Vie des Dix Orateurs Grecs, traduites du Grec par Ricard - tome quatrième, Lefèvre Editeur, Paris 1844, pp 142-147)

Les plus belles lettres de noblesse de la psychanalyse sont déjà en usage 2400 ans avant l’ère freudienne.

Tout a déjà été pensé et écrit en Grec … Comment voulez-vous que je me sorte de cette névrose ?

 

Si la « petite mouche agaçante » vous insupporte, faites donc vous mordre par Annie Hourcade et son ouvrage Antiphon d’Athènes. Une Pensée de l’Individu, « Figures Illustres », Ousia, 2001 …

 

1- Pour répondre à une remarque d'un lecteur : antisémi-tique (iron-ique), et non pas antisémite ... simplement pour donner la répl-ique à la mouche qui pique, un peu plus loin dans le texte ... et en note 2 ...

2- ONFRAY Michel, Les Sagesses Antiques, Contre-histoire de la philosophie t.1, Biblio Essais, Le Livre de Poche, GRASSET & FASQUELLE, Paris,2006, p. 95, ISBN 978-2-253-08384-9

 

 

 


Fabrice Kaplan-Laudrin, IPSS, billet du 4 mars 2012

kaplan-laudrin@ipss.info


 

 

 

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