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Institut Psychanalytique S.Spielrein
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1 avril 2012

Psychanalyse égologique : Topographie du Cabinet Ideal

Une Application de la Psychanalyse égologique :

Topographie du Cabinet Idéal  

 


 

J'aime ce mot cabinet, meuble à tiroir, cabinet de curiosités, cabinet de lecture, cabinet de travail, cabinet de crise … et enfin petit coin où je me lâche et me cultive tranquillement.

Ce cabinet c’est Moi et à ce titre il fait écho à toutes les instances de mon psychisme ; au point où le mal-être du deuil s’installe lorsqu’il m’arrive de devoir déménager cet espace.

Ainsi conformément à la topologie de la psychanalyse égologique[1], le cabinet idéal épouse chaque locus englobés dans une Corporéité : le Vestibule/Moteur de l’Emotion, le Régulateur du Conscient, le Conscient, le Préconscient, le Régulateur du Préconscient, l’Inconscient  et le Vers le Vide.

 

Le Vestibule / Moteur de l’Emotion est le lieu de la peur, de la crainte, du plaisir et du déplaisir, l’espace des décharges émotionnelles. C’est le lieu de l’avant et de l’après, une espèce de purgatoire entre le monde extérieur et le jardin clos de la séance.

Le psychanalyste y place ses craintes construites d’une séance morte, du face-à-face avec un patient retors, ou à l’inverse la promesse délicieuse d’une séance au déclic prévisible. C’est le lieu de l’empathie sociale du début de séance, des Salamalecs essentiels permettant au psychanalyste d’extraire le patient de son passé immédiat et du Vale[2] rendant l’analysé à l’état de patient en marche vers son futur de derrière la porte du cabinet.

Pour le patient, non encore en séance, non encore dans son état d’analysé, ce vestibule est seuil. Puisqu’il est seuil, il est rituel.

Il est la consigne de son quotidien, mais également le temps du « Maintenant que j’y suis, j’y reste ». Ce MQJYSJYR est pour moi l’acte le plus constructif de la séance. Il convient donc de laisser au patient le temps de se projeter en analysé, de laisser en consigne son quotidien.

Le temps utilisé dans cet espace est celui de la rencontre psychanalyste/patient … un entre-temps … Avec la même signification d’un temps des pas-perdus dans un hall de gare, où tous les types de rencontres sont possibles, sous la grande horloge, entre le taxi et le train en partance … ou inversement.

 

Vient après le Régulateur du Conscient, antichambre où coexistent librement les notions de Soi et de Jugement de Soi et par conséquence d’affichage de Soi.

Pour le psychanalyste, cette topique est la vitrine de son cabinet, de la mise en scène, le moment du débriefing hebdomadaire du patient devenant mot après mot analysé. Le bref instant où le ‘devenant analysé’ se perçoit encore en relation avec ce qui l’entoure. Le bref instant où l’analysant entre vraiment en scène et s’affiche, induit son patient vers le transfert. Cette antichambre du Conscient est également le temps et l’espace du règlement financier de la séance, là où la qualité du service donné et reçu prend sa dimension matérielle de frustration, de soulagement ou de sacrifice.

Ainsi, il est nécessaire que le cabinet, dans sa fonction Régulateur/Antichambre du Conscient soit à l’image de l’analysant. Que l’induction vers l’état d’analysé procède du plan de perception de l’analysant et non l’inverse.

Bibelots, tableaux et autre mobilier du cabinet de curiosités livrés à la vue du patient sont les éléments perceptibles du microcosme au sein duquel le devenant analysé pose son approbation de s’offrir en  tant que territoire occupé. Le principe essentiel de l’acculturation consentie est la condition majeure d’un transfert efficace.

Autrement dit, la culture de l’analysant est le cadre d’émergence de l’Inconscient de l’analysé …

Cela pose évidemment question dans le contexte d’une psychanalyse inter ou multi culturelle, notamment dans la nécessité absolue du psychanalyste à être homme et acteur de son lieu et de son temps … en fait, de ses lieux et de ses temps.

 

Qu’en est-il des cabinets où le psychanalyste est manifestement de passage ou sous l’autorité institutionnelle ? Là est la limite du Cabinet Idéal, l’institution est la mère nourricière de l’analysant, mais elle est également castratrice. Sa masturbation intellectuelle étant bien entendue surveillée du coin de l’œil, impliquant également un cadre normé à l’émergence de l’Inconscient de l’analysé. En revanche, en désinvestissant le Régulateur du Conscient, le cautionnement institutionnel peut également se révéler un confort non négligeable pour le patient, favorisant également l’émergence visée.

 

Au sortir du Régulateur du Conscient, deux chemins sont possibles, celui du Préconscient et celui du Conscient.

 

Où se place le Conscient du cabinet ?

Il semble que ce soit autour des notions de ressenti de l’analysé, d’éprouvé .. de stase consciente au sein de laquelle les manifestations de l’Inconscient pourront voir le jour.

Cela vise donc le divan, ou plutôt l’état d’esprit de l’analysé flottant sur le canapé sous l’oreille de l’analysant. Ce mobilier particulier est l’icône de la psychanalyse classique, en conséquence celle du psychanalyste, dans sa fonction ou hors de sa fonction d’analysant.

Le divan est tour à tour craint et désiré par l’analysé, il est le manifeste de l’occupation du territoire. Il est également le fauteuil de scène d’où l’analysé assiste privilégié à son propre théâtre … à la fois dedans, à la fois dehors ; mais aussi le signe postural d’une régression consentie.

L’esthétisme du divan est-il capital ? Là encore, la culture du psychanalyste est le point de départ de l’écoute. Elle conditionnera le poids esthétique de son icône. Il est le lieu du verbe immédiat, du Logos créateur du sens, sans mémoire.

Le divan est la table de l’obstétricien.

 

Prendre les rennes de la stase consciente implique également la dimension temporelle de la séance. Ainsi l’horloge, le marqueur temporel, suit les mêmes règles que le divan.

Assis dans sa culture, maitre du lieu, maitre du temps, le psychanalyste est donc le garant et le responsable des conditions dans lesquelles viendront émerger les étincelles du Non-Conscient.

 

Au sortir du Régulateur du Conscient s’ouvre une seconde voie, celle du Préconscient du cabinet. Comment se manifeste-il ?

 

Ce Préconscient peut s’assimiler à la mémoire immédiate, ainsi il concerne uniquement l’analysant dans sa position d’écoute flottante en opposition au Logos créateur de l’analysé.

Le lieu de cette mémoire immédiate est bien entendu le fauteuil.

Piédestal sacré ou siège utilitaire, le fauteuil est ce qui donne sens au divan. Plus encore même que ce dernier, le fauteuil est à l’image de son propriétaire.

Narcisse anti-typique, à l’écoute d’Echo angoissée, l’analysé.

Comme Narcisse, l’analysant est condamné à ne saisir que les derniers mots du monologue d’Echo. Le premier tentant d’interpoler entre les vides, de faire faire sens d’un discours qui n’aurait de logique que dans le monde de la dernière. Désaisir Echo de son Logos morbide, non com-préhensible vers ce qui donne sens commun. Miroir encore … la création de l’analysant n’est-elle pas de bouleverser le discours échevelé de l’analysé, de renverser l’adage ce qui se conçoit bien s’énonce clairement en ce qui s’énonce clairement se conçoit bien ?

Cette conception assumée est le véritable accouchement de la relation transferielle. Relation incestueuse visant à remettre en route le schéma de la dynamique œdipienne.

Faire manifester l’Inconscient est précisément lui donner sens, le mettre au monde … le monde de l’analysant bien entendu. A Echo de le reconnaître comme son rejeton …ou pas.

Echo, répétition … pour J.B. Nasio, l’Inconscient n’est-il pas précisément la répétition ?[3]

 

Le Préconscient de l’analysant est lié à l’Inconscient, par le Régulateur de l’Inconscient

 

Le Régulateur de l’Inconscient est le siège de la méthode et des mécanismes associatifs. Le filtre de l’Inconscient est composé des lectures et autres supports de la connaissance et de la formalisation du discours psychanalytique.

Ce lieu des paroles fondamentales, des interrogations générant la pensée est la bibliothèque.

Doit-elle être accessible au patient ?

La question serait plus riche sur les idées suivantes :

- que ferait le patient d’une telle somme indigérée, indigeste ?

-si toute bonne analyse est de fait une analyse didactique, alors pourquoi ne pas ouvrir librement le champ du savoir ? Au patient de cultiver …

Quoi qu’il en soit, le Régulateur de l’Inconscient, la bibliothèque, est une partie du microcosme du psychanalyste et sa finalité envers le patient suit les mêmes règles que le Régulateur du Conscient.

Afficher sa bibliothèque, la rendant accessible au regard, montrer le fonds, signifient mettre au diapason notre patient « devenant analysé ». Moins une montre de notre savoir que la culture de l’analysant à partir de laquelle le discours va reprendre sens.

 

Y-a-t-il une bibliothèque idéale ? Oui, celle qui tient notre discours et le contredit, celle qui nous fait sens et celle qui est susceptible de nous faire sens un jour. Une bibliothèque est une âme, une anima, une compagne avec ses boires et déboires. Une Goulue fière de ses rides, mais hantée par sa sénilité. Mais elle est avant tout le siège de l’apprentissage de la Reconnaissance.

 

Le Régulateur de l’Inconscient  permet d’accéder à deux autres espaces : le Vestibule/Moteur des Emotions et l’Inconscient.

Rejoindre le patient au Vestibule via le Régulateur de l’Inconscient est le cheminement logique d’un re-contact sans affect irraisonné, tout en affichant notre filiation à l’esprit de notre bibliothèque, notre source maternelle.

L’autre espace accessible par le Régulateur de l’Inconscient est précisément l’Inconscient.

 

 

L’Inconscient est le siège de la mémoire organisationnelle, de la culture initiale, de l’affect, du pulsionnel et de la sensibilité. A l’opposé du Fonds méthodique du Régulateur, nous sommes ici face au Fondement du psychanalyste, son espace intime. Ce qui le/lui pousse au train malgré lui. Il est cristallisé autour du plan de travail, de son bureau. Il est également l’espace de l’empirisme, du retour sur expérience, du dépôt de verbatim, de l’indispensable courriel, des dossiers en cours ou en archives accumulés tout le long de sa carrière … des factures aussi, voire de la bouteille de Cognac … ou du thé précieux. Lieu où l’analysant s’efface derrière le psychanalyste.

A la fois tour d’ivoire et centre de commandement, lieu d’épanouissement personnel et antre du doute. Le temps de l’horloge du cabinet n’est plus celui mesuré de la séance. Expansion, contraction, cet espace est donc le cœur du cabinet.

Doit-il être accessible au patient ou à l’analysé ?

A mon sens, non … Il n’est pas besoin pour un psychanalyste de se montrer potentiellement occupé, potentiellement chef d’entreprise ou perdu dans l’écriture d’un manuscrit. Tout ceci est dans la définition même de la fonction de psychanalyste.

Faire percevoir au patient les battements de cœur fondamentaux va à l’encontre de l’idée suivant laquelle l’espace dédié à la séance soit un lieu retranché du quotidien, un lieu sans tiers. De plus pour l’analysant, afficher son quotidien de psychanalyste décale l’objectif même de la séance : mettre au jour le Non-Conscient de l’analysé et uniquement de l’analysé. Point n’est besoin non plus de justifier d’une table pour recevoir son chèque, ou noter le prochain rendez-vous.

Montrer son fondement est une gaminerie inutile à l’homme assis.

 

En parlant de fondement … il reste un dernier espace central en liaison avec les deux Régulateurs et le Préconscient : la chasse d’eau du mémoriel, le ‘’Vers le vide’’, cabinet d’aisance.

L’exercice quotidien de la psychanalyse nécessite la capacité d’oubli, d’évacuation, sous peine de schizophrénie sourde. Psychanalyste idéalement pluriculturel, analysant, référant, cloisonnant, patientant … se vider pour mieux se reconnecter. L’idéal serait des toilettes privées, espace anarchique croulant sous les bandes dessinées ou les revues de vulgarisation, sans oublier la machine à café, une fenêtre et un large fauteuil-fumoir.

 

 

Topique

Temps

Objet/Situation

Acteur 1

Acteur 2

Vestibule des   Emotions

Entre-temps

Salle d'attente

Psychanalyste

Patient

Régulateur du   Conscient

Temps Culturel

Curiosités

Psychanalyste

Patient

Conscient

Temps de l'Horloge

Divan

Analysant

Analysé

Préconscient

Temps de l'Horloge

Fauteuil

Analysant

Analysé

Régulateur du   Non-Conscient

Temps Culturel

Bibliothèque

Psychanalyste

Patient

Non-Conscient

Pouls du Cabinet

Bureau

Psychanalyste

 

Vers le vide

Non-Temps

Toilettes

Psychanalyste

 

Topographie du Cabinet Idéal : Tableau 1 – Synthèse et contexte des topiques

 



[1] Voir Figure 1 (billet du 31 mars 2012).

[2] Vale est l’expression « Porte-toi-bien » en Latin

[3] Nasio J.-D. 2011 : L’Inconscient c’est la répétition ,, Séminaires Psychanalytique de Paris n°136, Samedi 24 Septembre 2011, Paris, Espace Reuilly, polycopié.

 

communauté, d’un psychisme communautaire.




 

(à suivre …)

 


Fabrice Kaplan-Laudrin, IPSS, billet du 30 mars 2012

kaplan-laudrin@ipss.info


 

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