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Institut Psychanalytique S.Spielrein
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27 mai 2012

Quantique là, Quantique ci

Quantique là, Quantique ci …

Du 17 au 19 novembre 2012 se tient à Reims le congrès des Thérapies Quantiques, de trois mille à cinq mille personnes seraient attendus entre les stands et les conférences.

Vitrine de l’application de la mécanique quantique à la recherche d’une fluidité alimentaire assimilable naturellement par notre organisme, les chercheurs et auteurs de références donnant la caution scientifique à cette manifestation semblent s’orienter vers l’idée d’une thérapie quantique :

La Thérapie Quantique a pour objectif de rétablir l’harmonie dans le champ électromagnétique altéré par un dysfonctionnement organique. Dans ce but, elle propose des méthodes de soins spécifiques et elle fait également intervenir des appareils dont le fonctionnement est basé sur l’émission de rayonnements électromagnétiques. Leur emploi vise à rééquilibrer l’énergie corporelle par bio-résonance. Une faculté innée des êtres vivants à se synchroniser avec l’énergie ambiante, à capter et à émettre des rayonnements au sein de leur environnement (http://www.clesdesante.com/article-congres-des-therapies-quantique-un-creuset-de-la-medecine-du-futur-101402170.html).

Je n’ai pas à me positionner sur cela … après tout, chacun sait que nos états d’âme ou nos états d’être ont une influence directe sur notre entourage et inversement. Rayonnement magnétique ou pas… rayonner de joie embellit manifestement notre entourage.

S’approprier des outils pour développer une relation constructive aux autres, permettre à l’Eros de s’étaler encore un peu plus et faire la nique à Thanatos … oui, nous avons tous à y gagner. Et honnêtement faire gicler nos petites parcelles de lumière et en percevoir les effets bénéfiques sur l’Autre est un petit plaisir narcissique fin qu’il serait inutile de censurer.

De plus, chacun est libre de dépenser 185 euros pour assister bien assis aux conférences de ces trois journées.

Là où mon cœur de psychanalyste engagé se coince un peu sont les propos rapportés par le blog cité plus haut :

« La famille quantique s’agrandit d’années en années… » nous dit Marion Kaplan [organisatrice de cette manifestation]. « Une multitude de nouveautés attendront les congressistes de ce week-end quantique, avec une journée spéciale nutrition et une prestigieuse ‘fourchette’ de grands précurseurs au service d’une nouvelle vision de la maladie et de la guérison… Et aussi, 70 exposants pour découvrir des technologies totalement innovantes. Sans oublier une nocturne et des ateliers ! ». Hasard ou ‘coïncidence quantique’, Reims dit-elle « est un choix de cœur. Cette ville rayonnante a vu le couronnement des plus grands rois de France… Et qui sait, Jeanne d’Arc était-elle peut-être quantique à sa manière ? »

En fonction du but visé, Jeanne d’Arc, figure emblématique d’une Reims médiévale, peut aussi bien être vue comme une ‘allumée’, une schizophrène ou l’archétype d’une notion d’identités urbaine et nationale. Notre Marine Nationale a toujours disposé d’un bâtiment nommé Jeanne d’Arc depuis 1820, preuve que son symbolisme passe au-delà d’une société féodale …Quant à quantique, là … il peut être pris comme un bon mot ironique de l’instant.

Libre à chacun de réactiver son idéal de princes et princesses, après tout le fonds de commerce des studios Walt Disney repose en partie sur cela et se ménager des petites grottes de replis infantiles à l’âge adulte est un réflexe de décharge efficace.

Le rayonnement de Reims, dont il est fait mention est avant tout axé sur la cathédrale, la vitrine d’une église cautionnant l’intronisation.

Cette église repose en grande partie sur la notion de ‘Pain’ … le pain quotidien du Pater Noster, fondamental, essentiel à l’entretien du chrétien. Or, toujours dans le blog cité plus haut, ce pain de céréales cultivées est pointé comme l’un des vecteurs majeurs des troubles générés par notre alimentation trop riche et trop édulcorée.

A la question : « Faut-il renouer avec le mode alimentaire des hommes préhistorique ? », le nutritionniste Thierry Souccar répond « Oui ! ». S’entend ici comme homme préhistorique, le « charognard » cueilleur précédant le chasseur du « Paléolithique Ancien » … et bien entendu précédant lui-même le cultivateur-éleveur du Néolithique découvrant la culture du blé (et par voie de conséquence le pain et la bière). L’homme préhistorique étant ainsi réduit à un être bringuebalant et transhumant, trainant la corne de ses pieds sur les bons vouloirs de Mère Nature. On peut sans difficulté argumenter contre les méfaits d’une alimentation trop riche en produits sélectionnés et cultivés … autant que l’on peut argumenter des bienfaits de la bière …

Pourquoi pas ?

Ce qui m’ennuie est le discours sous-jacent : l’Homme est devenu un produit de la pieuvre agro-alimentaire, avant lorsque l’homme respectait son environnement, c’était mieux il n’y avait qu’à suivre le rythme de la Nature.

Certes c’était mieux … on peut même plus ou moins suivre le discours d’une période de l’humanité sans cancer, sans carie, sans maladie cardio-vasculaire. Mais l’homme n’est-il qu’un tube digestif, s’alimentant pour vivre un jour de plus ?

Pourquoi a-t-il été nécessaire de s’ingénier à conserver la nourriture, pourquoi a-t-il été nécessaire d’améliorer la production ? Le propre de l’Homme n’est-il pas d’abord de s’adapter puis d’adapter son environnement à sa propre existence et ainsi garantir son quotidien quels que soient le climat et la richesse des ressources nourricières ? Que serait un monde sans méthode de conservation, sans culture, si ce n’est un monde en guerre permanente, chacun revendiquant légitimement assez de surface pour alimenter sa famille ? A moins de prôner la sélection naturelle autorégulatrice.

Entre une carie et un coup de gourdin, mon cœur balance ?

Revenir à l’alimentation des « hommes préhistoriques » serait nier l’étalement de l’Autre, dans le sens où en tant que responsable de ma petite tribu, ma vocation essentielle serait la défense de mon territoire de subsistance.

Dans l’état actuel de notre civilisation occidentale, je ne peux parler que d’elle, est-on en droit de renier cette intercommunication familiale sur un seul et même territoire ? J’insiste lourdement sur cette tendance de l’Eros à s’étaler … Pour les fidèles et aux admirateurs « culturels » d’une Eglise Cathédrale, Dieu n’est-il pas Amour ?

Alors oui, très égoïstement, je préfère m’asseoir devant une bonne Guinness tiède, voire une insipide Kro fabriquée je ne sais pas comment et continuer à réfléchir calmement à ce qui fait l’Homme. Mon épieu attendra le moment adéquat Eros … ou Porneia.

Quoique … revenir au mode d’alimentation des hommes préhistoriques serait assurément le moyen d’évaluer la théorie de Freud sur le meurtre du Père.

Tout se résume donc à « Suis-je assez respectueux de moi-même pour choisir parmi les mets qui me sont accessibles, ou suis-je la marionnette des campagnes publicitaires ? Suis-je en mesure de prendre du temps pour mon corps ou filer au ciné, ou au théâtre, après le travail, la salade du sandwich entre les dents ? » … Que la mal bouffe soit plus accessible financièrement et géographiquement que les ingrédients essentiels n’est à mon sens pas une question d’homme post-préhistorique … mais d’un pli social récurrent.

Au moins ce pli permet de masquer l’haleine d’un banquet de charogne encore tiède.

 

Plus sérieusement … Quantique ci.

Cette représentation d’une mécanique universelle a maintenant plus d’un siècle, elle a ses prédicateurs, ses détracteurs … Lacan s’y est un approché jusqu’à la tangente … Elle a, semble-t-il dans le contexte de la psychanalyse, échappé à être la caution démonstrative d’une énergie psychique ordonnant la cohérence corporelle.

Cependant à titre d’hypothèse de travail, il est très tentant d’établir un rapprochement épistémologique entre cette mécanique quantique et la méthodologie psychanalytique … et puisqu’elle est apte à comprendre puis décrire certains phénomènes du psychisme, elle devrait être applicable également à l’archéologie de terrain.

Faire une synthèse didactique des fondamentaux de la mécanique quantique n’est pas à l’ordre de ce billet, d’autres auteurs « autorisés » l’ont fait et le feront mieux que moi.

Il me faut tout de même évacuer l’aspect « énergie » de cette mécanique par crainte qu’elle n’embrume le rapprochement épistémologique. Ainsi je privilégie le questionnement autour de la dualité onde/corpuscule et influence de la méthode d’analyse.

Dans cette mécanique, la vie, l’existence propre (hors des yeux de l’observateur) d’une particule est définie par une fonction d’« onde de probabilité » s’effondrant en corpuscule (prendre corps) lors des tentatives d’analyse de sa position ou de son déplacement.

L’observateur et sa méthode d’analyse redéfinissent ainsi par essence le devenir et l’histoire de cette fonction d’onde.

En tant que psychanalystes nous agissons de même lorsque nous tentons d’aborder le fil de l’expérience de vie de nos patients. Notre interaction ici et maintenant lors d’une séance consent à cette fonction de s’effondrer en donnant corps à l’inconscient du patient et permettre ainsi à ce dernier d’isoler puis de déplacer la préhension de son passé et de ses implications dans ses présents et futurs possibles. Le fil de la vie du patient est porteur de tous les possibles au même titre que la fonction d’onde de probabilité.

La manière d’appréhender notre passé le modifie et par voie de conséquence influe sur notre devenir. Il y aurait donc matière et utilité à formaliser une clinique psychanalytique calquée sur la dynamique quantique.

Il en est de même pour l’archéologie de terrain … la méthode d’analyse fabrique la préhension du passé … et de ses devenirs possibles … de sa com-préhension.

A quand la conscience d’une archéologique quantique ?

 


 

Fabrice Kaplan-Laudrin, IPSS, billet du 27 mai 2012

kaplan-laudrin@ipss.info


 

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